Neuromarketing. Comment vendre au cerveau du client
La publicité est omniprésente : dans notre boîte aux lettres, dans la rue, le métro… Tellement omniprésente que certains parlent même d’«infobésité». Aujourd’hui, le choix de produits proposés est presque infini. En magasin ou sur internet, il devient difficile pour le consommateur de s’y retrouver. Face à cette déferlante de publicités, les entreprises doivent donc « ruser » de stratégie pour se démarquer des unes des autres.
C’est pour cela que depuis maintenant quelques années, certaines d’entre elles ont recours au neuromarketing. Un terme apparaissant comme barbare mais dont le principe est très simple : vendre en jouant avec le cerveau des consommateurs. Le cerveau est le centre du système nerveux, donc de nos émotions. Ainsi, les neurosciences et le marketing vont se réunir dans un seul but : déclencher l’acte d’achat auprès de potentiels consommateurs grâce à leur cerveau.
Selon l’Observatoire des Usages Internet de Médiamétrie, 87,5% des internautes français ont effectué un achat sur un site en ligne lors du premier trimestre 2019 [2] : les sites e-commerce ont donc le vent en poupe. C’est sur cette lancée positive que de nombreux sites e-commerce voient le jour, accentuant considérablement la concurrence.
Le neuromarketing, une pratique récente
C’est au début des années 2000 que le terme neuromarketing fait son apparition. Le Dr Read Montagne, neurologue de l’université de Baylor au Texas décide de mener une expérience afin d’en savoir davantage sur la réaction du cerveau humain face aux influences des marques.
Pour ce faire, il va réaliser une expérience qui marquera le début du neuromakerting. Cette expérience consiste à réaliser un test de goût à l’aveugle auprès des consommateurs, puis à réitérer l’expérience mais cette fois, en leur révélant la marque de chaque produit avant la deuxième dégustation.
Après avoir examiné les réactions des cerveaux des consommateurs grâce à un scanner IRM, il va constater que ces derniers préfèrent la marque de soda la plus connue, ce qui n’était pas le cas lors de la dégustation à l’aveugle. Il va donc pouvoir conclure que les mêmes zones du cerveau ne réagissent pas de la même manière lors des deux tests. Lors du premier test, celui à l’aveugle, le putamen (partie de notre cerveau primitif, siège des plaisirs immédiats et instinctifs) réagit fortement, alors que cela n’est pas le cas durant le deuxième test.
En effet, lorsque les dégustateurs connaissent par avance la marque de la boisson qu’ils vont tester, la zone primitive du cerveau ne va pas s’activer. C’est une autre zone dans le cortex préfrontal (zone de la conscience) qui va alors réagir. Cette observation démontre que notre cerveau primitif prend des décisions mais que c’est la conscience qui va venir contredire cette décision.[3]
Mais alors pourquoi préférer Coca-Cola à Pepsi ? Cela s’explique principalement et surtout par la stratégie de communication autour du produit. Ainsi, la marque Coca Cola est bien plus ancrée dans le cerveau des consommateurs que Pepsi.
Une expérience à première vue dérisoire mais qui va permettre de définir le neuromarketing.
« Les Neurosciences englobent toutes les disciplines étudiant l’anatomie et le fonctionnement du système nerveux (cerveau, moelle épinière, nerfs, organes des sens et système nerveux autonome) et ses maladies ».[4] Le marketing permet d’analyser les besoins des consommateurs et l’ensemble des moyens d’action utilisés par les organisations dans le but d’influencer leur comportement.[5] Le neuromarketing a donc pour objectif de comprendre le comportement des consommateurs face à un stimulus (un produit ou une marque) grâce à l’identification des mécanismes cérébraux.[6]
Afin de comprendre au mieux cette pratique, il est intéressant de connaître quelques techniques qui permettent d’observer le cerveau et ses réactions face à un stimulus.
Le test électroencéphalographique permet de mesurer l’activité électrique du cerveau. Des capteurs vont alors instantanément mesurer les réponses de l’ensemble du cerveau face à un stimulus, plusieurs milliers de fois par seconde. Cette méthode assure une précision qui permet d’avoir les résultats en temps réel.[7]
L’oculométrie plus connue sous le nom de « Eye Tracking » vise à observer et à mesurer les mouvements oculaires. Cela permet de détecter le parcours du trajet oculaire face à une image.
L’imagerie par résonance magnétique (IRMf) mesure la consommation d’oxygène dans les tissus du cerveau en fonction du ressenti de la personne. Les résultats obtenus vont permettre d’observer les parties du cerveau concernées et ceci avec une grande précision (de l’ordre du millimètre).[8] Le Docteur Read Montagne, « père » du neuromaketing utilisa d’ailleurs cette technique lors de son expérience.
L’activité électrodermale peut être traduite par « l’activité électrique biologique perçue lors de diverses mesures biométriques (rythme cardiaque, respiration, mouvement corporel, tension artérielle, …) et mettre ainsi en avant les changements émotionnels chez l’individu. »[9]
Dans leur ouvrage « Neuromarketing, le nerf de la vente », les auteurs Patrick Renvoisé et Christophe Morin, co-fondateurs de SalesBrain, société proposant des formations en neuromarketing, affirment que le cerveau humain se décompose en trois parties. Le cerveau réflectif traite les données rationnelles, le cerveau intuitif, les émotions. Enfin, le cerveau primitif va prendre en compte les apports du cerveau réflectif et intuitif pour ainsi contrôler le processus de décision.[10] Les auteurs ajoutent que « les dernières découvertes en sciences du cerveau nous démontrent que c’est en communiquant avec la partie du cerveau responsable de la prise de décision, à savoir le cerveau primitif, que vous maximisez votre chance de vendre un produit ou une idée. »[11]
Le neuromarketing au service des entreprises.
« 76% des produits commercialisés sur le marché rencontrent un échec au cours de la première année.»[12] Un chiffre qui paraît exubérant en comparaison du nombre de nouveaux produits arrivant chaque jour sur le marché.
Le monde est devenu un réel temple de la consommation : toujours plus de publicités, toujours plus de choix. Il est donc difficile de s’y retrouver. Dans les magazines, dans les rues ou sur internet, elles sont partout et nous inondent d’informations. Pour séduire de nouveaux acheteurs il est indispensable de comprendre ces derniers : leurs besoins, leurs envies et contraintes.
Élément non-négligeable : la consommation serait essentiellement émotionnelle. « émotion vient du latin motere qui signifie bouger et du suffixe e qui veut dire s’écarter, suggérant qu’une tendance à agir ou à décider est implicite dans chaque émotion. »[13]
Aujourd’hui, les experts en neurosciences assurent que les émotions déclenchent les décisions. Selon Jamal eddinr BOUKAR , auteur du livre : Neuromarketing sur Amazon, « les gens n’achètent pas un produit mais un scénario. Les marques qui arrivent à scénariser la marchandise sont les marques qui ont le plus de succès. »
Il s’agirait donc de jouer avec les émotions du consommateur pour provoquer l’acte d’achat.
De nombreux magasins physiques utilisent nos sens dans le but d’améliorer l’expérience client. D’après le Journal of Marketing, « les magasins ayant recours au marketing olfactif voient leur fréquentation moyenne augmenter de 20% par rapport à la période où ils ne diffusaient aucune ambiance parfumée. La proportion de clients ressentant un sentiment de bien-être, lui, passe à 40% en présence d’une odeur agréable. »[15] Certaines entreprises, comme EmoSens à Lyon, proposent de créer des diffuseurs de parfum sur-mesure à destination des professionnels : par exemple un parfum senteur cuir pour mettre en avant la qualité de l’intérieur d’une voiture à vendre ou encore une bougie à la framboise pour retranscrire l’univers coloré et frais d’une célèbre enseigne de chaussures.
L’odorat est loin d’être le seul sens utilisé par les enseignes. Nous pouvons ainsi citer le marketing sonore avec l’exemple de l’enseigne Nature & Découvertes qui diffuse des sons d’oiseaux pour plonger le client dans son univers, le marketing visuel avec les enseignes Apple que l’on pourrait reconnaître parmi tant d’autres grâce à leur design minimaliste. On peut également noter le marketing gustatif avec des cosmétiques imprégnés d’une odeur gourmande ou encore tactile comme dans certaines enseignes (souvent de luxe) où le sol est recouvert d’un épais tapis assurant ainsi un confort certain aux clients.
Aujourd’hui et plus particulièrement, en France, il est difficile de dire quelles sont les marques qui ont recours au neuromaketing pour promouvoir leurs services. En effet, en France, l’utilisation d’imageries cérébrales à des fins marchandes est interdite. Selon l’article 16-14 du Code civil, « les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou de recherches scientifiques, ou dans le cadre d’expertises judiciaires. »[16]
Pour contourner la législation, les entreprises françaises auraient donc recours à des cabinets étrangers. Cependant, des études en France peuvent être menées tout en respectant la loi. BVA, société française d’études et de conseil, experte en sciences comportementales, propose un magasin expérimental pour étudier le comportement des acheteurs face à des produits. Concrètement, les marques mettent leurs nouveaux produits en rayon pour voir l’impact qu’ils peuvent avoir sur le consommateur grâce à des lunettes portées par ces derniers, permettant d’enregistrer les mouvements des pupilles (Eye Tracking).
Selon Eric Singler, directeur général de l’institut BVA, « on cherche à comprendre si un packaging, une odeur, une publicité créent une émotion positive ou négative, de façon à sélectionner par exemple une publicité. Au final, le marketing c’est vendre plus ; donc on essaie de trouver les stimulus qui maximisent cette émotion ressentie. »
Le neuromarketing, une pratique éthique ?
« La recherche en neuromarketing donne un aperçu sans précédent de la pensée du consommateur. Les résultats seront une augmentation des ventes, une préférence pour certaines marques, ou encore le fait d’obtenir que les consommateurs se comportent de la façon que l’on désire », affirme Jamal eddine BOUKAR, Spécialiste en coaching commercial et neuromarketing.
Bien que le neuromarketing ait démontré son efficacité, cette pratique est qualifiée par certaines personnes d’abusive. Ainsi, de nombreuses organisations de protection du consommateur ont vu le jour. Jeff Chester, directeur exécutif de l’organisation Center for Digital Democracy affirme que le neuromarketing « a un effet sur les individus, effet dont l’individu n’est pas informé. »
Peut-on être en mesure de qualifier cette pratique de manipulation mentale ? Les consommateurs ont-ils conscience de ces « tentatives de manipulation » ?
Ainsi, des chercheurs souhaiteraient dévoiler ces pratiques au grand jour pour informer le public. Dans un article publié sur LeMonde.fr, un collectif de chercheurs demande « un débat le plus large possible sur la présence de la publicité dans l’espace public, la liberté d’expression ne devant pas aller sans une autre liberté complémentaire de la première : la liberté de non-réception, chaque citoyen devant in fine pouvoir choisir où et quand il souhaite accéder à de l’information publicitaire. »
Le neuromarketing appliqué au e-commerce
En 1980, le e-commerce va faire son apparition. À cette époque, il ne connaîtra pas une réussite fulgurante : toute la population n’a pas encore accès à internet et ce nouveau concept de vente en ligne n’apparaît alors pas très fiable. C’est à la fin des années 1990 que le e-commerce commence enfin à prendre de l’ampleur grâce à un contexte favorable. Les paiements en ligne vont faire leur apparition et Internet commence à arriver dans les foyers.
Le commerce électronique ou plus communément appelé « e-commerce », « consiste à échanger des biens et des services entre deux personnes à distance sur les réseaux informatiques, c’est-à-dire via Internet. »
Aujourd’hui, le e-commerce est devenu omniprésent et indispensable plus particulièrement grâce au large choix qui s’offre à l’internaute mais également et surtout grâce aux prix souvent plus attractifs qu’en magasin. En France, l’e-commerce a connu au 1er trimestre 2019 une croissance de 11,9% par rapport au 1er trimestre 2018.
C’est dans ce contexte favorable que de nombreux sites e-commerce ne cessent de voir le jour, espérant ainsi profiter de cette croissance. Qui dit plus de sites de e-commerce dit davantage de concurrence. Difficile donc d’être vu et de se démarquer des nombreux autres sites. C’est pour cette raison que de plus en plus de sites e-commerce font appel au neuromaketing.
Contrairement aux magasins physiques, les sites e-commerce ne sont pas en capacité d’utiliser les sens du toucher ou de l’odorat pour convaincre un client d’acheter un produit.
Mais alors comment séduire un utilisateur malgré la barrière de l’écran ? La structure d’un site, son ergonomie ou encore le choix des couleurs peuvent-ils contribuer à notre décision d’achat finale ?